Le blog du groupe Révoltes

Pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire

Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Maghreb, #lutte des classes

Combat classe contre classe en Égypte et en Tunisie

Les révolutions tunisienne et égyptienne ont chassé en 2011 les dictateurs du pouvoir. C’est à partir du moment où la classe ouvrière est entrée en combat, notamment en Égypte quand les travailleurs des usines de Mahalla ont fait grève pour aller manifester par milliers, que les dictateurs sont tombés. Mais ils ont été remplacés par des gouvernements dits « techniques » ne remettant en réalité pas en cause le pouvoir de la bourgeoisie ni la présence des entreprises impérialistes. Des élections ont eu rapidement lieu dans ces deux pays, et en l’absence de parti ouvrier, ce sont les partis conservateurs dits « islamistes » qui ont remporté les élections, dans un contexte de forte abstention (autour de 50 %). Ces partis conservateurs bourgeois n’ont pas œuvré à la destitution des dictateurs mais ils en ont récolté les fruits. Et les revendications économiques et sociales des travailleurs n’ont pas été satisfaites alors même que les masses connaissent chômage, hausse des prix, exploitation. Sur le plan des libertés démocratiques, ces gouvernements islamistes bourgeois ont œuvré au renforcement autoritaire du pouvoir, au travers notamment des nouvelles constitutions.

Si les printemps arabes de 2011 regroupaient de larges couches sociales des sociétés tunisienne et égyptienne - des avocats, journalistes, étudiants, travailleurs - et si les revendications portaient essentiellement sur les libertés démocratiques (droit d’expression, de liberté d’information, d’organisation, de démocratisation des institutions …), à l’heure actuelle, les conditions de vie et de travail sont au cœur des préoccupations des masses. Mais le pouvoir politique et économique n’a pas changé de mains, bien au contraire. La bourgeoisie de ces deux pays reste aux manettes, via le pouvoir des militaires pour le cas de l’Égypte.

Pour satisfaire leurs revendications, les masses de ces pays ont besoin de construire leurs propres organisations de classe pour pouvoir s’affranchir de leur propre bourgeoisie inféodée aux différents impérialismes.

A bas la dictature militaire en Égypte ! La classe ouvrière en grève doit prendre le pouvoir !

L’Égypte connaît depuis quelques semaines des mouvements de grèves importants qui s’étendent à tous les secteurs : le 10 février, 22 000 travailleurs de l'usine textile d’État de Mahalla (le plus grand holding d’État de textile) se sont mis en grève pour l'élargissement à l'industrie publique du salaire minimum de 1 200 Livres égyptiennes (équivalent à 125 euros) promis par le gouvernement aux salariés d’État fin janvier 2014. Le gouvernement, avec l’aide de la centrale syndicale liée à l’État (l’ETUF), a cherché à casser la grève. Puis il a manœuvré en promettant le paiement des primes annuelles. Mais, cette annonce n’a pas freiné la mobilisation car les grévistes exigent la satisfaction de toutes leurs revendications : ils exigent le paiement de leurs primes annuelles sur les bénéfices, et dénoncent la corruption sévissant dans les entreprises publiques. À Suez, également, les syndicats indépendants menacent de débrayer si le gouvernement ne prend pas de mesures afin que les droits sociaux soient respectés par le patronat et que cessent les licenciements arbitraires, comme ça a été le cas dans plusieurs entreprises publiques et privées du pays. Des délégations de diverses usines occupent les alentours du siège central du holding.

Cette grève s'est étendue au mois de février non seulement à 7 autres usines textiles d’État mais aussi aux transports publics du Caire, aux employés postaux, aux policiers de bas rang et à plusieurs entreprises privées de la chimie.

Le 16 février, les salariés de la Compagnie du Nil pour les routes et les ponts ont également commencé la grève pour l’obtention du même salaire minimum que dans le public. Le 19 février, les employés de 6 compagnies de l’eau et l’assainissement entraient à leur tour en lutte pour les salaires. Et le 20 février, ce sont ceux de la société égyptienne de propylène de Port Saïd qui se mettaient en grève. Les 120 employés de la Tour du Caire – symbole du nassérisme – et de son restaurant pivotant à son sommet demandaient également la renationalisation de leur entreprise.

Les travailleurs des cristalleries d’Asfour, 18 000 salariés, premier producteur mondial, installées dans le quartier de Shubra au Caire, étaient en grève eux aussi pour exiger :

un doublement du salaire qui passerait de 1 000 livres égyptiennes à l’embauche à 2 000 après 10 ans d’ancienneté ;

des contrats à durée indéterminée pour tous les précaires ;

La réintroduction des ouvriers licenciés lors d’une grève l’an dernier ;

des primes de départ conséquentes lors des licenciements de plus de 30 000 LE, plus une somme allouée par année de travail en cas de départ négocié.

L

es 28 garages des bus du Grand Caire dont les 42 000 employés ayant des salaires s'échelonnant de 600 à 1400 LE, sont en grève depuis le samedi 22 février pour l'obtention du salaire minimum à 1200 LE additionné d'une hausse de 7%. Ils demandent également des investissements importants pour renouveler la flotte des 4 700 bus dont une grande partie est bien trop vieille pour ne pas risquer l'accident. Le gouvernement leur a promis 15,2 millions pour cela, mais les grévistes ont refusé jugeant la somme insuffisante.

15 bureaux de poste ont commencé une grève le 23 février pour le salaire minimum et une hausse supplémentaire des salaires de 7% comme les employés de bus, bloquant le siège central des postes à Attaba et appelant à l'extension de leur mouvement.

Le 21 février, le secteur de la santé en grève (+ 85% de grévistes à l’échelle nationale) depuis le début de l’année a annoncé une grève générale illimitée le 8 mars avec création pour cela d'un comité de grève indépendant du syndicat. Ils revendiquent la hausse de leurs salaires, mais aussi l'augmentation du budget de la santé, le limogeage du ministre de la santé, une enquête publique sur l'incompétence et la corruption de la direction de la santé et la libération de 200 médecins emprisonnés pour leur engagement politique. Ils ont par ailleurs annoncé qu'avant la grève illimitée du 8 mars, ils étendraient leur grève au privé dés le 26 février. A cette grève s'adjoignent celles des pharmaciens, vétérinaires et autres services de santé comme les infirmiers.

15 000 salariés de la gestion de l'eau et des sols demandent depuis plusieurs semaines le paiement de 4 mois d'arriérés de salaires et le retour de leur service au public (il avait été privatisé en 1995). Les exigences de nationalisation des entreprises privatisées depuis les années 90 et de salaire minimum de 1 200 LE sont au cœur des revendications des travailleurs en grève ou menaçant de faire grève dans les entreprises de la chimie, mouvement qui pourrait bien s'étendre à de nombreux autres secteurs privatisés.

Les employés des offices notariaux sont entrés en grève le 17 février pour demander également le salaire minimum à 1 200 LE et que leurs responsables corrompus et incompétents soient dégagés. Ce sont aussi les instituteurs qui menacent à leur tour de faire grève en vue de la titularisation à plein temps de 75 000 d'entre eux avec le bénéfice des assurances sociales, titularisation promise par le gouvernement. Les retraités du public manifestent pour revendiquer l’indexation de leurs pensions à la future hausse du salaire minimum.

La grève générale de tous les travailleurs du pays est à l’ordre du jour sur l’axe :

  • un salaire minimum décent pour tout le monde (au minimum 1200 LE)
  • renationalisation de l'appareil productif,
  • limogeage des dirigeants corrompus des appareils économiques et administratifs, et de la mise sous le contrôle des travailleurs des nouveaux dirigeants.

Cette mobilisation sans précédent a fait tomber le gouvernement d’union nationale qui a succédé au gouvernement des Frères musulmans. Mais, son départ était programmé pour laisser place à un gouvernement des militaires dirigé par le général Sissi.

Depuis le coup d’État de juillet 2013, les militaires organisent la répression des opposants, notamment des principales figures de proue de la révolte de 2011. Ils ont renforcé l’appareil sécuritaire et restreint les libertés démocratiques notamment la liberté de manifestation. Une loi promulguée fin novembre 2013 interdit toute manifestation n’ayant pas reçu l’aval du ministère de l’Intérieur.

Le référendum constitutionnel organisé mi-janvier présenté comme un soutien à la politique répressive de l’armée a consacré l’adoption de la Loi fondamentale. Le « oui » à la nouvelle constitution égyptienne l'a emporté à 98,1 %. La participation n'a, elle, pas dépassé les 38,6 %.

Depuis, le gouvernement militaire restreint significativement les libertés syndicales, dans la droite ligne de la constitution rédigée initialement par les Frères Musulmans (seul un syndicat officiel est autorisé par profession, ils sont interdits dans la police et dans l’armée).

Les libertés d’expression, de manifestation, le droit d’accès à l’information, la vie privée sont directement menacés par les vastes pouvoirs maintenus aux forces armées en matière de sécurité nationale et de politique étrangère. Les dispositions déjà prises par le gouvernement par intérim, qui a fait voter une loi qui restreint lourdement le droit de manifester, cautionnent des milliers d’arrestations arbitraires. Ainsi, toute « dispute avec un agent des stations-essence Wataniya (qui appartiennent aux forces armées) » conduirait directement devant un tribunal militaire

L’Armée a procédé lors de ce coup d’État à une répression féroce, sous couvert de lutte contre les Frères musulmans. Il s’agissait en réalité d’une démonstration de force démontrant aux masses que l’Armée était capable de mater les tentatives d’insurrection. Ainsi déjà, une grève au canal de Suez a été matée en août 2013 par l’appareil répressif de l’État.

Côté syndicat, après la chute de Moubarak, les syndicats indépendants se sont multipliés, et une première centrale syndicale indépendante, l’EFITU [Egyptian Federation of Independent Trades Unions], a été fondée avec notamment à sa tête le nassérien Kamal Abou Aita, et une militante de « Renouveau socialiste », Fatma Ramadan (Socialistes révolutionnaires actuellement, organisation liée à la IVème Internationale pabliste). En avril 2013, a été créée une seconde centrale indépendante, l’EDLC [Egyptian Democratic Labour Congress], en grande partie animée par des militants liés historiquement à l’association CTUWS, qui a continué à avoir une existence séparée.

Une nouvelle loi établissant les libertés syndicales avait été écrite en mars 2011. Mais les militaires, puis les islamistes en ont bloqué l’adoption. Suite à la destitution du Président islamiste par les militaires le 3 juillet 2013, le nassérien Kamal Abou Aita, qui présidait la centrale indépendante EFITU est devenu ministre du Travail à la mi-juillet 2013. Il justifiait notamment sa participation au gouvernement par la possibilité de faire enfin adopter cette loi.

Côté politique, plusieurs organisations ont fait une déclaration le 25 janvier dans le but de préparer les élections. Ce regroupement dit révolutionnaire rassemble essentiellement les Socialistes révolutionnaires (pablistes), le Mouvement du 6 Avril ([1]) et le Courant populaire (dirigé par Sabahy, ancien nasserien dont le programme est axé sur l’indépendance nationale, la liberté et la justice sociale qui avait fait autour de 25 % aux dernières élections présidentielles) entre autres. Leur plateforme revendicative commune se centre sur deux axes : «Pain, liberté, justice sociale, dignité humaine » et «renverser le régime». Ils prônent la démocratie, la justice, la liberté, une véritable réforme du système étatique, pour un système global de justice. Cette plateforme élaborée alors que des grèves commençaient dans la santé notamment et que pointaient les grèves pour le salaire minimum et la nationalisation n’offre aucune perspective liant les revendications économiques des travailleurs à la prise du pouvoir. Elle n’appelle en aucun cas à faire barrage au retour des militaires au pouvoir et se cantonne à se tenir prêt pour les élections du printemps.

En l’absence d’organisations ouvrières, de parti ouvrier révolutionnaire, les masses sont utilisées par deux fractions de la bourgeoisie égyptienne, tantôt Frères musulmans qui revendiquaient les postes et le contrôle de l’économie à la place des militaires, et les militaires qui défendent le contrôle de l’économie.

A l’heure où les travailleurs sont en grève massivement dans nombre de secteurs, ce qui est à l’ordre du jour c’est la grève générale des travailleurs égyptiens. Le rôle des organisations syndicales indépendantes et des organisations qui se disent révolutionnaires et d’appeler à la grève générale en vue de la prise du pouvoir par la classe ouvrière, contre les militaires pour mettre en œuvre les revendications immédiates des travailleurs (salaire minimum). Leur responsabilité est d’organiser les travailleurs dans des comités de grèves élus, dans un comité central de grève. Ces organisations ne doivent pas attendre tranquillement le retour au pouvoir des militaires lors des élections mais doivent préparer la prise du pouvoir du prolétariat égyptien, qui devra nationaliser sans indemnité ni rachat toutes les entreprises, ce qui implique de prendre le pouvoir économique et politique aux militaires.

Pour cela, les travailleurs égyptiens ont besoin de construire un Parti ouvrier révolutionnaire.

[1] principales revendications du Mouvement 6 avril : 1 - salaire mensuel minimum de 1200 livres égyptiennes (environ 210 $) ; 2 - Indexation des salaires ; 3 - Élection d'une assemblée constituante pour rédiger une nouvelle constitution pour garantir les libertés politiques et syndicales du pays et maximum de 2 mandats pour tout président au pouvoir ; 4 - Suspension de l'exportation de gaz vers Israël

A bas la nouvelle constitution bourgeoise tunisienne !

A la suite de l’assassinat des députés d’opposition en février et juillet 2013, des milliers de Tunisiens avaient manifesté pour s’opposer à la politique du gouvernement dirigé par Ennahdha. Ces manifestations ont provoqué en mars 2013 la chute du gouvernement Jebali.

Ce mouvement d’une grande ampleur s’est intensifié à l’été 2013 et s’est dirigé contre le nouveau gouvernement Laarayed dirigé par Ennahdha, contre la Troïka au pouvoir (alliance d’Ennahdha, du CPR et d’Ettakol) et pour la dissolution de l’ANC.

L’opposition s’est rassemblée au sein d’un Front de salut national, auquel s’est joint le Front populaire créé en octobre 2012, lequel regroupe des tendances qualifiées de « gauche radicale », entre autres l’ancien PCOT de Hamma Hammami, la ligue ouvrière unifiée (LGO) liée à Lutte ouvrière en France ou encore les écologistes. Comme son nom l’indique il s’agit d’un dispositif de front populaire faisant barrage aux masses et œuvrant au maintien et au renforcement de la bourgeoisie tunisienne au pouvoir. Le programme du Front de salut national est de protéger la propriété privée des moyens de production.

Quant à l’UGTT, elle a cherché à sauver la Troïka et la bourgeoisie au pouvoir. Elle s’est alliée avec les ennemis des travailleurs, avec les patrons. La feuille de route du « quartet » (UGTT, Utica, LTDH et Ordre des avocats) prônait le dialogue national avec le gouvernement et œuvrait pour que l’ANC reprenne ses travaux alors que les milliers de manifestants mobilisés en juillet voulaient en finir avec ce gouvernement et exigeaient la dissolution de l’ANC. L’accord du 17 septembre 2013 et toutes les discussions qui y ont mené sont une véritable trahison pour les masses tunisiennes.

Le 7 février, de nombreux dictateurs africains et les représentants des principaux impérialismes, américain et français entre autre avec la présence de Hollande, se sont rendus en Tunisie pour célébrer le vote de la nouvelle constitution tunisienne du 27 janvier. Ce vote a scellé un large consensus national, entre anciens du régime (CPR), islamistes d’Ennahdha, Ettakol et Front de salut national. Et pourtant cette constitution est la consécration de la constitution d’un État bourgeois avec un vernis démocratique sur le plan des libertés. Pour le reste, le pouvoir reste aux mains de la bourgeoisie et l’économie sous domination impérialiste.

En attendant les élections législatives et présidentielles prochaines, un gouvernement de technocrates est censé gouverné le pays.

Si pour un temps, la mobilisation des masses a reflué du fait de l’union nationale, il n’en demeure pas moins que les revendications économiques des travailleurs sont loin d’être satisfaites, en témoignent la grève générale de Kasserine le 8 janvier dernier et la multiplication de manifestations et de grèves depuis l’automne 2013, contre le chômage et la misère.

Pour porter leurs revendications, les travailleurs auront à combattre pour imposer la rupture des organisations d’origine ouvrière, UGTT et Front populaire avec les partis bourgeois, avec la bourgeoisie afin de créer un véritable front de classe, pour la défense de leurs revendications.

Dans ce mouvement, la classe ouvrière tunisienne devra construire un véritable parti ouvrier révolutionnaire qui postulera au pouvoir sur la base de l’expropriation capitaliste.

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