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Pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire

Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Maghreb
Après plusieurs décennies de dictature, les peuples égyptien et tunisien ont réussi à virer les dictateurs par la pression de la rue, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Où en sont ces pays deux ans après le renversement de ces dictatures?

 

En 2011, la rue chasse les dictateurs au pouvoir depuis plusieurs décennies. Dans les rangs des manifestants, on retrouve le prolétariat et la petite bourgeoisie en quête de plus de libertés démocratiques. Que ce soit en Tunisie ou en Égypte, les gouvernements mis en place à la suite d'élections "libres" poursuivent la même politique que les anciens gouvernements avec quelques libertés supplémentaires... mais les conditions d'existence de la plus grande partie de la population restent au même niveau voire empirent (le chômage augmente ainsi que le coût de la vie) et le sentiment de s'être fait "voler" la révolution reste présent dans beaucoup d’esprits. Revenons sur la fin de la dictature.

 

Les dictateurs ont fui ces pays et le pouvoir est laissé vacant. C'est tout naturellement que l'armée en Égypte et Ghannouchi (ancien premier ministre de Ben Ali) en Tunisie s'en emparent afin d'organiser des élections dans les plus brefs délais. Se présentent donc principalement des partis déjà constitués avant la chute du pouvoir. Le taux d'absentions très élevé reste une composante importante de ces élections (de l’ordre d’environ 50 %). Les frères musulmans avec Mohamed Morsi en Égypte et Ennahda avec Moncef Marzouki en Tunisie sont donc portés au pouvoir par les urnes. La politique menée continue dans le sens des intérêts capitalistes au détriment de la population. Lors du reversement de ces dictatures, la prise du pouvoir par le peuple n’a pas pu être possible du fait du manque de parti ou d’organisation structurés pouvant permettre cette prise du pouvoir au compte des prolétariats de ces pays. Les capitalistes gardent donc les rênes du pouvoir et les diverses rentes de ces pays. Les partis au pouvoir ne représentent pas les espoirs et les aspirations des peuples et ne reprennent pas les revendications exprimées lors des révolutions populaires.

Dès lors les manifestations dans les deux pays se poursuivent. Deux ans après la révolution, le peuple reste dans la rue. Comment s’organisent ces manifestations et quel est l’état de la lutte de classe dans ces pays ?

 

En Égypte

 

En 2007, les premières contestations ouvrières dans l’usine de textile à Ghazl Al-Mahalla puis en 2008 à Sayyid Habib, posent la question de la chute du pouvoir. Ces mouvements marquent la synchronisation des luttes syndicales et politiques. En 2011, lors de l’occupation de la place Tahrir, la première centrale syndicale libre (Efitu) est créée marquant la fin du monopole du syndicat d’état (Etuf). Depuis la chute de Moubarak, la colère reste élevée et les mouvements sociaux (60 000 Égyptiens impliqués) restent nombreux malgré la répression de l’armée et du gouvernement. De fait, les frères musulman sont favorables à l’économie capitaliste et veulent  « encourager les investissements étrangers dans les structures principales et la libéralisation des échanges commerciaux ». Ils appliquent un credo néo libéral qui implique la privatisation de l’éducation, de la santé, des transports, de l’énergie… selon les injonctions du FMI. La crise économique ne fait que se développer, entraînant avec elle une hausse des prix et une baisse des revenus officiellement estimée à -15% au cours des derniers mois de 2012. Les diverses pénuries (énergie…) augmentent ainsi que le chômage (passé officiellement de 10 à 13%).

 

La force de l’Etuf reste difficile à évaluer.  Elle a beau regrouper 200 syndicats et 2 millions de membres, elle reste le théâtre de scissions tonitruantes. Elle ne semble donc pas pour le moment servir de base pour un rassemblement en vue de la création d’un parti ouvrier révolutionnaire. Les autres syndicats créés restent peu organisés et semblent manquer de moyens  (locaux, cadres…).

 

Pourtant, que ce soit lors de l’anniversaire de la chute de Moubarak ou dans des villes comme Port-Saïd, la mobilisation reste importante. Dans cette ville située près du canal de Suez, une grève générale de plusieurs semaines a été décidée puis rejointe par des forces de l’ordre. D’autres manifestations éclatent un peu partout dans le pays… La volonté d’une nouvelle révolution semble apparaitre dans les rangs des manifestants afin de satisfaire les revendications sociales. Cependant ces mouvements ne semblent pas être régis par une seule organisation structurée mais sont le fait d’une multitude de petits groupes indépendants. Or, sans une organisation structurée et gérée par ses militants, la prise du pouvoir par le peuple semble être bien compromise et si chute du régime il y a eu, d’autres partis bourgeois se saisiront de cette opportunité pour continuer d’exercer la même politique que les anciens gouvernements.

 

Afin de mener à terme ces mouvements sociaux et permettre au peuple de satisfaire ses besoins et ses revendications, la réunion de ces groupes est nécessaire.

 

En Tunisie

 

En Tunisie, la situation sociale n’a pas changé et les revendications de la révolution n’ont pas été prises en compte par la troïka. Le sentiment de s’être fait voler la révolution est bien présent alors que certains partis et organisations ont prôné la volonté d’apaiser les esprits et de reprendre sagement le travail après la chute de Ben Ali. Mais les tensions ne sont pas pour autant retombées sur le pays au regard de la situation sociale. Le surnom de la « révolution de jasmin » est inspiré par une fraction de la petite bourgeoisie qui, une fois certaines libertés démocratiques acquises, demande le retour au calme afin de permettre la reprise de l’économie locale. Le syndicat l’UGTT (550 000 adhérents), syndicat existant avant la chute du régime Ben Ali, reste un point d’appui pour les ouvriers du pays. Si pendant les premiers mois de la « révolution », une multitude de partis a fleuri, la tendance actuellement est plutôt au regroupement. Le regroupement dénommé «  Front populaire » s’est constitué avec le PCOT et Le Watad, parti nationaliste dont le dirigeant Chokri Belaid a été assassiné. Ce regroupement s’est réalisé sur une base nationaliste arabe. Le PCOT entend ainsi mettre au second plan la question ouvrière.

 

Une certaine méfiance à l’égard de l’UGTT subsiste. En effet elle a annulé la grève générale du 13 décembre 2012 après avoir collaboré avec le gouvernement de Ben Ali (en le soutenant lors des élections de 2004 et 2009). En outre, la direction (représentée par le bureau exécutif) ne s’est rangée derrière les manifestants que lorsque que le mouvement s’est étendu à l’ensemble du territoire.  Elle a participé au gouvernement de transition (toujours par décision du même bureau exécutif). Il reste que ce syndicat est régulièrement saisi par la classe ouvrière. Lors des funérailles de Chokri Belaid l’appel à grève générale (qui n’avait jamais été décidée lors de la révolution de 2011), est le résultat de la poussée de la base et du mécontentement des militants. Le rôle de la base de l’UGTT est primordial dans les prises de décision de plus en plus politisées de la centrale syndicale.

 

Depuis la prise du pouvoir par Ben Ali, la direction du syndicat avait été soigneusement choisie afin d’être docile envers le gouvernement. A la chute de ce dernier, le syndicat existe encore et la bataille pour reprendre la direction du syndicat sera l’un des objectifs à atteindre pour permettre son émancipation  vis-à-vis du pouvoir en place. Le fait que ce syndicat ait des origines dans la décolonisation et qu’il soit structuré à un niveau national permettrait d’en faire une base pour la construction d’un parti représentant les ouvriers.

 

Depuis la chute du dictateur, il ne se passe pas une semaine sans que des manifestations, grèves ou émeutes s’enclenchent dans diverses villes telles que Sidi Bouzid, Gasfa, Le Kef… Cependant, la flamme qui avait propagé la révolution à l’ensemble du territoire ne semble, pour le moment, ne pas s’étendre aux villes côtières. Les intérêts de la population semblent quelque peu diverger pour le déclanchement d’une seconde vague de protestation. En effet, la rupture entre la petite bourgeoisie et les paysans campant sur l’avenue principale est de plus en plus prononcée. Lors des réunions on peut entendre d’un coté « maintenant que l’on a dégagé le dictateur, maintenant dégageons la dictature » et de l’autre « construisons notre démocratie et montrons que nous sommes un peuple propre, sain et civilisé ». La base continue à diriger sa colère contre le gouvernement en place et la question sociale reste au cœur des discussions et des mobilisations.

 

Cette question se cristallise de plus en plus au sein de l’UGTT qui se positionne de manière plus prononcée sur le plan politique et on assiste à un affrontement entre le syndicat et Ennahda, le parti au pouvoir. Le rôle de l’UGTT semble être essentiel et sans cesse réévalué car la force de ce dernier change. Son soutien logistique reste essentiel pour la mobilisation des militants dans les rues. Il faut rappeler que ce n’est pas la révolution qui a porté Ennahda au pouvoir mais les élections qui en ont découlé en s’appuyant sur un discours identitaire et profitant de la confusion des partis de gauche. Ce parti n’a donc que très peu de légitimité aux yeux du peuple. Quant aux autres partis, leur origine ou leur construction comme celui de Nida Tounes fondé par le premier ministre de Ben Ali, ne semblent pas pouvoir répondre aux aspirations du peuple. Seule l’organisation syndicale semble aujourd’hui pouvoir offrir une alternative. Elle prend de plus en plus de place dans le paysage politique. L’UGTT a d’ailleurs réaffirmé son autonomie vis-à-vis du pouvoir et dit « ne pas se soumettre à sa terreur ». L’indépendance de la direction de l’UGTT semble être l’enjeu principal de ces prochains mois afin de permettre le rassemblement de la classe ouvrière en vue de la prise de pouvoir à son profit.

 

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