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Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Moyen-Orient, #Syrie

En 2011, dans la continuité du soulèvement révolutionnaire au Maghreb et au Moyen-Orient, les masses se soulevaient en Syrie contre la dictature de Bachar el Assad. Aujourd’hui, le peuple syrien doit faire face aux tentatives des impérialismes d’intervenir pour contrôler une situation devenue explosive pour la région, particulièrement pour l’État d’Israël.

L’histoire de la Syrie est liée à la politique impérialiste au Proche et Moyen-Orient

Après avoir été dominée par les Empires grec et romain sous l’Antiquité, la Syrie passa sous domination perse à partir du VIème siècle. En 1200, elle est contrôlée par l’Égypte. Avec la prise de Constantinople en 1453, la domination ottomane s’exerce sur la Syrie à partir de 1515 et dure quatre siècles. La Syrie devient province de l’Empire ottoman. C’est une période où les populations subissent de nombreuses exactions de la part d’un pouvoir corrompu. Cependant les Syriens développent leur commerce avec les puissances européennes (Grande-Bretagne, pays germaniques) mais restent sous domination ottomane à la différence du Liban qui devient autonome.

En 1832 le vice-roi d’Égypte Mehemet Ali, qui a réussi à s’affranchir de la tutelle des Turcs, conquiert la Syrie avec son fils, par la force et par la négociation avec le sultan. Cependant en raison de soulèvements et de révoltes des populations, les grandes puissances européennes s’inquiètent de cette situation et Mehemet Ali abandonne ses prétentions sur la Syrie en 1840, date à laquelle la Turquie exerce une reprise en main ferme sur cette région.

Le nationalisme arabe en Syrie émerge au début du XXème siècle. Pendant la 1ère Guerre mondiale, l’Empire ottoman entre en guerre aux côtés de l’Allemagne, tandis que les nationalistes arabes choisissent de soutenir les Anglais et les Français. Une répression s’abat alors sur eux. A la fin de la Grande Guerre, un gouvernement arabe est formé. Lors de la conférence de la paix qui s’ouvre le 18 janvier 1919 à Paris, les impérialismes Français et Britannique se disputent le partage des territoires arabes. La Syrie passe sous mandat français. Le texte est rejeté par les gouvernements français et britannique qui refusent de reconnaître le royaume indépendant de Syrie proclamé le 8 mars 1920 par le Congrès général syrien. Le 25 avril 1920, à San Remo, la France et la Grande-Bretagne finalisent le partage des mandats. Une fois la nouvelle connue, des émeutes se produisent en Syrie. Les Français décident alors d’imposer les mandats par les moyens militaires. Les troupes arabes sont battues par la troisième division de l’armée du Levant à 20 km de Damas. Le 25 juillet 1920, les Français occupent la ville et ordonnent à Fayçal de partir et partitionnent la Syrie.

Dans les années 30, les nationalistes arabes fondent le parti Baath syrien, sur le modèle du parti Baath irakien. Le 8 juin 1941, les troupes britanniques et celles de De Gaulle entrent en Syrie et y proclament l’indépendance - que le général de Gaulle n’est cependant pas disposé à reconnaître. Contraint par les Anglais, il accepte la tenue d’élections au cours de l’été 1943, qui sont remportées par le Bloc National. Au cours l’été 1944, la République syrienne est reconnue par l’Union Soviétique et par les États-Unis. A la suite des émeutes nationalistes de mai 1945, les troupes françaises quittent la Syrie le 17 avril 1946 (jour de Fête nationale). Dès 1946, face aux velléités de l’impérialisme international de coloniser la Palestine, des volontaires sont appelés pour combattre auprès des Palestiniens Le parti Baath se développe à ce moment-là et noue des liens avec la bureaucratie stalinienne. Le 4 avril 1947 s’ouvre le congrès de fondation du Baath à Damas, réunissant des Libanais, des Palestiniens et des Jordaniens. Le 14 mai 1948 est proclamé l’État d’Israël, sous mandat de l’ONU, reconnu aussi bien par l’impérialisme américain que par la bureaucratie stalinienne. L’État syrien participe à la première guerre israélo-arabe et signe un accord d’armistice avec Israël le 20 juillet 1949.

Dans les années 50 ont lieu de nombreux coups d’état militaires dont l’objectif est de briser les masses syriennes qui soutiennent le combat du peuple palestinien contre l’État d’Israël et d’empêcher les grèves. Au milieu des années 50, les dirigeants syriens se rapprochent de Moscou par le biais d’un traité d’assistance technique et économique dans le but de contenir les mobilisations des masses en défense du peuple palestinien. La Syrie se rapproche alors de l’Égypte de Nasser. Le Baath arrive au pouvoir au début des années 60, dont les dirigeants ont participé à la guerre d’indépendance de l’Algérie. Les industries pétrolières demeurent entre les mains de l’État. Face à l’opposition de la bourgeoisie syrienne, incarnée politiquement par les Frères musulmans, la propriété privée est maintenue. Lors de la guerre des Six jours, la Syrie perd le plateau du Golan. Le gouvernement syrien trahit le peuple palestinien lors du Septembre « noir » 1970 en ne portant pas secours aux Palestiniens qui sont chargés par l’Armée du roi Hussein de Jordanie.

Début 70, le père du dictateur actuel, Hafez el Assad dirige le pays. Il libéralise l’économie (création de zones franches) et se plie aux injonctions des États-Unis comme de l’URSS de reconnaître l’État d’Israël et de cesser toute intervention armée contre cet État (cf la dernière guerre en date, la guerre du Kippour). Les masses arabes, et plus particulièrement palestiniennes perçoivent la rencontre d’Assad avec Nixon comme une véritable trahison. Le régime Syrien, en soutenant les milices chrétiennes pro-israéliennes du Liban en 1976, franchit un pas supplémentaire dans cette trahison : il participe à l’élimination de la résistance palestinienne. Cette trahison provoque en Syrie des mobilisations, qui seront réprimées militairement par le régime. Mais le régime syrien tente de prendre le contrôle du Liban autrefois englobé au sein de la Grande Syrie. Le Liban est un État artificiel que l’impérialisme français a créé de toute pièce après le dépeçage de l’empire Ottoman, en s’appuyant politiquement sur sa minorité chrétienne. Il fait tampon entre Israël et la Syrie.

Au début des années 80, Israël envahit le Liban pour faire cesser les attaques palestiniennes sur la Galilée. Alors qu’Israël enregistre quelques échecs, la Syrie regagne ses positions.

Au début des années 90, lors de la première guerre du Golfe, la Syrie s’engage aux côtés des impérialismes pour intervenir en Irak. L’histoire de la Syrie, comme celle de pays voisins, est étroitement liée, depuis la Seconde guerre mondiale, à l’existence de l’État d’Israël, État colonial, créé de toute pièce par l’impérialisme, en premier lieu par l’impérialisme américain pour s’implanter durablement en Palestine, en chassant les Palestiniens ou en les enfermant dans les territoires occupés, avec pour fonction d’être le bras armé de l’impérialisme au Moyen Orient.

La solidarité historique du peuple syrien, comme du peuple égyptien, avec le combat du peuple palestinien contre l’État d’Israël, a été trahie par les dirigeants syriens (en 1973 lors de la guerre du Kippour, à l’occasion des accords de Camp David en 1978 et d’Oslo-Washington en 1993 qui ont fait reconnaître l’État d’Israël par l’OLP et par la plupart des régimes arabes) sous la double pression de l’impérialisme américain et de la bureaucratie stalinienne d’avant 1990. Il faut rappeler que les États du Proche et Moyen-Orient sont issus du dépeçage de l’Empire ottoman par les rapaces impérialistes après la Première guerre mondiale. C’est ce qui explique le combat incessant des minorités contre les pouvoirs centraux dictatoriaux. Ce combat est légitime mais doit se regrouper pour aboutir à se libérer et du joug impérialiste et de leurs valets au pouvoir dans ces pays.

2011 : le soulèvement populaire contre la dictature de Bachar el Assad

Après la vague révolutionnaire démarrée en Tunisie puis en Égypte qui s’est propagée à tout le Moyen-Orient, les masses syriennes ont engagé le combat contre le dictateur Bachar el Assad. Les masses et notamment la jeunesse se sont spontanément organisées en Comités Locaux de Coordination (CLC), qui ont été dès le départ la principale force d'opposition syrienne sur le terrain. Regroupés dans une instance générale de la révolution syrienne, ils ont fédéré le mouvement de contestation par ville et par quartier. Ils ont notamment organisé un système parallèle d'entraide, par exemple pour soigner leurs militants blessés hors des hôpitaux surveillés par les forces syriennes de sécurité. Dès le départ, le mouvement est brutalement réprimé. Les premières manifestations à Deraa, en mars 2011, s’étendent rapidement à toutes les grandes villes du pays, mais l’armée de Bachar el Assad ouvre le feu et fait des dizaines de morts parmi les manifestants. Puis face à la protestation, elle engage le siège des villes de Derra, Homs et Hama, pour tenter de mater la rébellion.

Devant cette militarisation du conflit, les CLC sont rapidement marginalisés au profit de groupes armés de multiples tendances, principalement unis pour en découdre avec le régime de Bachar-el-Assad. Les forces nationalistes constituent l’ossature de l’Armée syrienne de libération (ASL) principalement financée par l’Arabie Saoudite, la Jordanie et derrière, les Etats-Unis ; les groupes armés islamistes de diverses obédiences seraient principalement financés par des fonds privés du golfe persique. Les Kurdes, isolés du reste du pays, constituent une force autonome dans le Nord-est.

Alors que quelques semaines avaient suffi aux masses tunisiennes et égyptiennes pour chasser Ben Ali et Moubarak, deux ans d’un conflit armé particulièrement féroce – des dizaines de milliers de morts, des millions de réfugiés – n’ont pas réussi à faire vaciller le régime, et la situation semble sans issue. Car le pays est devenu un véritable champ de bataille entre impérialismes.

Un champ de batailles entre impérialismes

Au Proche et au Moyen-Orient, les impérialismes n’ont cessé de s’appuyer sur différents groupes politiques et religieux. Ils se sont appuyés tantôt sur le nationalisme arabe (et notamment sur les régimes baathistes d’Hafez-el-Assad en Syrie ou Saddam Hussein en Irak), tantôt sur les groupes « religieux» - milices chrétiennes au Liban ou branches « islamistes » en Afghanistan contre l’URSS, au gré des opportunités, pour peu que cela lui permette de s’assurer le contrôle politique des masses. Le rôle de cette politique est bien compris : aviver les tensions entre États (aux frontières souvent artificielles), entre minorités ethniques et religieuses pour diviser et démoraliser les masses, contrôler leur potentiel révolutionnaire, s’assurer qu’aucune force politique autonome ne puisse émerger, et ce, afin de mieux contrôler la région et notamment ses immenses ressources d’hydrocarbures. L’Etat d’Israël, puissance militaire incontournable dans la région, tient une place centrale dans ce dispositif. Les masses syriennes, comme les masses irakiennes quelques années plus tôt, subissent les brutales conséquences de cette politique qui écrase les peuples arabes. En Irak, les forces impérialistes menées par les USA avaient armé le régime de Saddam Hussein contre l’Iran des Mollahs, avant d’utiliser contre lui les groupes religieux chiites pour ensuite l’abattre, faisant sombrer ainsi le pays dans une confusion et une anarchie dont les masses subiront toute la violence.

Ni l’impérialisme, ni le régime de Bachar-el-Assad ne souhaitent rééditer ce scénario. L’impérialisme américain n’ayant plus les moyens d’une intervention militaire, privilégie l’enlisement, mais veille à ce que la situation reste contrôlable, notamment pour veiller à préserver l’Etat d’Israël – notamment en finançant l’ASL via l’Arabie Saoudite. Bachar-el-Assad, qui était invité par Nicolas Sarkozy en 2008, pour coprésider à Paris l’Union pour la Méditerranée (avec Hosni Moubarak !) – avant d’être « honni » - s’appuie sur la Russie et la Chine pour éviter de subir le même sort que Saddam Hussein, Moubarak ou Kadhafi. L’impérialisme français reste dans les parages sans quitter des yeux ses intérêts particuliers au Liban, appuyé sans conviction par l’impérialisme britannique, tandis que le Qatar ou les groupes religieux privés du Golfe avancent leurs pions.

Dans l’après-guerre, le peuple syrien avait porté le nationalisme arabe et les El-Assad - avant d’être trahi - pour lutter contre l’impérialisme et soutenir les Palestiniens. Il subit désormais toutes les contradictions, tous les affrontements entre les impérialismes.

A bas toute coalition impérialiste en Syrie !

Pour faire face à la situation d’instabilité que provoque la rébellion contre le dictateur Bachar el Assad, l’impérialisme américain a annoncé, à la sortie de l’été, une intervention militaire en Syrie. Elle a aussitôt été appuyée par Hollande, qui s’est inscrit dans la pure tradition bonapartiste de la 5ème République française, en s’assurant d’une Union Sacrée avec l’UMP. Si une intervention n’est aujourd’hui plus immédiatement d’actualité – l’impérialisme américain favorise le statu quo et l’enlisement, qui affaiblit chaque partie, anéantit les masses et renforce relativement Israël – elle reste toujours envisageable dans les semaines à venir si la situation devait dégénérer et devenir incontrôlable.

Dans cette situation, la responsabilité du mouvement ouvrier en France est que s’organise le Front unique contre toute intervention, contre tout contrôle et contre toute menace d’intervention en Syrie. La responsabilité des députés du PS et du Front de Gauche est de s’opposer, par tous les moyens, à toute intervention impérialiste en Syrie, y compris sous mandat de l’ONU ou de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) alors même que les trusts militaires vendent très tranquillement ces mêmes armes chimiques partout dans le monde ! Assez d’hypocrisie !

Dehors l’impérialisme du Proche et Moyen-Orient !

En France, les organisations du mouvement ouvrier, comme la CGT, s’en remettent à l’ONU pour trouver une solution. Les interventions armées décidées via l’ONU, que dirigent les puissances impérialistes, ne sont pas de nature différente des interventions directes des impérialismes. C’est toujours l’impérialisme qui frappe.

L’exigence que doit porter le mouvement ouvrier international, et en premier lieu en France, c’est le retrait immédiat de toutes les troupes militaires du Moyen-Orient, mer Méditerranée comprise. Ce combat contre toute présence impérialiste doit également s’orienter vers le contrôle des secteurs clés de l’économie, ce qui implique de chasser les trusts impérialistes de la région, en particulier miniers et de garantir un contrôle par l’État, par un État ouvrier ou par un État ouvrier et paysan dans certains pays. Mais l’expropriation des trusts impérialistes et la collectivisation de l’économie ne peut se réaliser à l’échelle d’un pays. Pour les États-Unis socialistes du Moyen-Orient !

La responsabilité du mouvement ouvrier international est d’aider militairement et politiquement les masses arabes dans leur combat contre les dictatures du Moyen-Orient, en particulier en Syrie. En France, il faut imposer à la majorité PS-Front de gauche d’empêcher toute intervention, tout contrôle de la Syrie, sous quelque forme que ce soit.

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