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Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #CGT, #dialogue social

Etapes, formes et problèmes _ Stéphane SIROT, historien

In Problématiques sociales et syndicales n°2, octobre 2017 - Notes de lecture

[Stéphane SIROT a introduit le colloque organisé en partenariat entre l’Université de Lyon et l’IHS-CGT les 16 et 17 novembre 2017 sur « L’institutionnalisation du syndicalisme : de quoi parle-t-on ? »]

Le syndicalisme français est-il un contre-pouvoir ou est-il supplétif de l’ordre dominant ? L’intégration obtenue par le processus de négociations collectives et les formes de reconnaissance officielle des syndicats, interroge la CGT, la FSU et Solidaires mais pas la CFDT, complètement intégrée au processus de négociations.

Œ Définitions

Les syndicats sont des structures sociales et pérennes reconnues par l’Etat : loi de 1884 et préambules des constitutions de la IV° et V° Républiques. La loi du 27 décembre 1968 légalise l’exercice du droit syndical dans l’entreprise.

Cette institutionnalisation donne au syndicat un rôle de régulateur social dans l’ordre dominant.

 Pourquoi ce rôle est-il de plus en plus prégnant ?

Dans les années 1970, le « recentrage » du syndicalisme l’inscrit dans la cogestion accompagnant les décisions politiques. C’est d’abord le choix de la CFDT qui participe à l’administration du monde tel qu’il est, sans perspective de transformation fondamentale qui était le projet radical de la CGT à sa création.

C’est l’ère de la négociation collective dans le cadre du « dialogue social », opposée à la confrontation et au rapport de force.

Cette orientation a affaibli le mouvement syndical qui a de plus en plus de difficultés à faire reculer le pouvoir politique. Mais cette tendance existe depuis la reconnaissance légale des syndicats.

Ž Pourquoi cette institutionnalisation ?

Pour les militants, c’est une reconnaissance et un contre-pouvoir légalisé.

 Mais pour le pouvoir politique, cette institutionnalisation a eu, dès la loi de 1884, un but d’intégration (au lieu de la répression depuis la loi Le Chapelier de 1791) par le droit du travail pour une régulation pacifiée plutôt que la confrontation. Les hommes politiques ont voté la loi de 1884 pour amortir les colères sociales et avoir des interlocuteurs moins dangereux que des foules de grévistes en colère.

Il s’agissait aussi de séparer l’action syndicale du champ politique qui remettait radicalement en cause la société capitaliste. Favoriser « le dialogue social » pour une cogestion du système, c’est l’objectif des lois votées dès les années 1980 et plus encore depuis le début du XXI° siècle.

 Formes et étapes de l’institutionnalisation

De multiples lois (1919, 1936, 1951, 1971 …) ont donné une place plus grande aux syndicats avec même l’obligation de négocier (lois Auroux de 1882).

De nombreux acteurs syndicaux ont été intégrés aux multiples organismes étatiques depuis la loi de 1891 qui crée le Conseil supérieur du travail, leur participation à « l’effort de guerre » lors de la 1° guerre mondiale, le Conseil national économique de 1925, la Sécurité sociale, les caisses d’allocations familiales de 1945, le CES, le Plan etc. … pour devenir co-législateurs avec la loi Larcher de 2007 assignant les « partenaires sociaux » à l’élaboration des réformes - des retraites notamment. La loi Seguin de 1986 supprime l’autorisation administrative des licenciements économiques remplacée par les PSE élaborés avec les représentants syndicaux. La loi de 1989 crée les conseillers du salarié présents à l’entretien préalable au licenciement, contribuant à la cogestion de la pénurie de l’emploi.

n Quelles conséquences sur la syndicalisation ?

* dépolitisation progressive des syndicats, en opposition au syndicalisme révolutionnaire d’avait 1914 qui voyait dans ces mesures une adaptation au capitalisme

* assignation statutaire en opposition à la lutte de classe, aboutissant à une perte d’autonomie et de force de contestation

* professionnalisation du monde syndical (syndicalisme d’expertise) avec cumul des fonctions et éloignement des salariés

* appui du syndicalisme sur l’acte électoral et non sur les luttes. La loi de 2008 sur la représentativité accentue cette fonction contre une légitimité identitaire autonome.

* bureaucratisation des appareils syndicaux de plus en plus pléthoriques et intégrés aux institutions alors que le nombre d’adhérents chute. Ainsi la CGT a multiplié son appareil confédéral par 5 entre 1960 et 2000 alors que le nombre de ses adhérents est passé de 1,650 million à 650 000. D’où la perte d’autonomie financière « compensée » par le financement de l’Etat et des grandes entreprises.

* adoption du vocabulaire de l’adversaire de classe comme « les partenaires sociaux » : c’est une acculturation du syndicalisme sous l’hégémonie culturelle du libéralisme.

o Quels résultats de l’institutionnalisation ?

L’institutionnalisation est évolutive selon le contexte politico-social et selon le rapport des forces. Le cadre juridique voulu par l’ordre dominant pour affaiblir la logique d’opposition, a assuré pendant un siècle la permanence de l’exercice d’un contre-pouvoir pour apporter des progrès sociaux.

Mais l’intégration à l’ordre social, notamment au cours des 3 dernières décennies, sans projet politique dépassant cet ordre, a permis la mise en cause des progrès collectifs du salariat. Le « dialogue social » et le « partenariat » permettent à Philippe Martinez de déclarer le 21 septembre 2015 dans Le Monde : « Le syndicalisme est par essence réformiste ». Il peut tout autant être révolutionnaire par nécessité.

Néanmoins, la plupart des ex-dirigeants confédéraux sont liés aux institutions de l’appareil d’Etat ou aux rouages du pouvoir politique. Cette pratique est un des facteurs de rejet du syndicalisme.

La réforme macronienne du code du travail accentue cette intégration : rencontres bilatérales entre le pouvoir et les dirigeants confédéraux (« démocratie sociale secrète »), pratique d’un lobbying syndical auprès des décideurs « pour faire pression ».

Ces pratiques s’apparentent à un néo-corporatisme : la réforme en cours affaiblit les syndicats et courcircuite par de nombreuses mesures l’exercice du mandat syndical. Celui-ci devient officiellement une étape dans une carrière professionnelle, sanctionné par un bilan de compétence en lieu et place d’un engagement personnel pour la conquête de droits sociaux.

Le « dialogue social » entre « partenaires sociaux » a pour fonction de défendre les intérêts communs d’une communauté de destin comme si la lutte des classes avait disparu.

« Le mouvement syndical a tout intérêt à réfléchir aux moyens de s’extraite de l’affiliation à l’ordre dominant ».

Cette situation s’inscrit dans le contexte plus général de l’effondrement de l’URSS et du rétablissement du capitalisme. La bourgeoisie a mené une grande offensive pour se soumettre les appareils syndicaux déboussolés faute de repères politiques. On ne peut être « force de proposition » que si on a un projet politique opposé au système dominant, ce qui implique un combat frontal en rupture avec le « dialogue social » et la cogestion. L’intérêt est que ce débat existe dans le syndicat : on peut le mesurer aujourd’hui dans le « Front Social ».

Le Groupe REVOLTES

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