Le blog du groupe Révoltes

Pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire

Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Amérique du Nord, #lutte des classes

Le Québec - qui compte aujourd’hui 8 millions d’habitants - est la deuxième province du Canada en population. Pour comprendre où en est la classe ouvrière québécoise aujourd’hui, à l’issue des mobilisations et des élections qui ont suivi, il faut reprendre quelques éléments historiques du Québec.

De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’au début des années 60 s’étale une période appelée « Grande Noirceur ». Elle correspond au gouvernement de Maurice Duplessis (1944-1959) époque marquée par un conservatisme et un cléricalisme radical en réaction aux violents conflits ouvriers et aux aspirations des masses.

La période qui succède est appelée « La Révolution tranquille ». Le Québec adopte les principes de l'État-providence, avec la mise en place d'une véritable séparation de l'Église catholique et de l'État. On assiste ainsi à la fin du cléricalisme dans le domaine social, avec le remplacement du clergé dans l'éducation, de la santé et des services sociaux par des organismes étatiques laïcs. Cette rupture conduit à une défection massive au sein du clergé catholique, qui réduit considérablement son influence sur les québécois. Cette période marque aussi un affranchissement plus net de l’industrie québécoise vis-à-vis des capitaux anglo-saxons, avec le renforcement de la bourgeoisie québécoise sous l’influence du Parti Libéral Québécois (PLQ). Parallèlement, le nationalisme se développe fortement, lié à l’accession des francophones à des postes clés de l’administration et de l’économie. Par ailleurs, la conjoncture économique des « trente glorieuses » permet à la bourgeoisie de concéder des avancées au prolétariat afin d’endiguer tout risque de soulèvement (création de la Régie des rentes du Québec pour la gestion des retraites,…).

 

La question de l’indépendance

Le parti qui porte historiquement cette question est le Parti Québécois (PQ). Il est créé en 1968 à partir de trois organisations :

-           le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) : premier mouvement politique souverainiste, il dénonce l’exploitation des travailleurs par le capitalisme anglo-saxon et appuie les ouvriers en grève dans la période 1960-68 (puis il est dissous, ses membres étant incités à rejoindre le PQ nouvellement créé)

-           le Ralliement national, caractérisé comme un mouvement indépendantiste conservateur.

-           le Mouvement Souveraineté-Association, composé de démissionnaires du PLQ.

Dès son origine, la composition du Parti Québécois est loin d’être chimiquement pure puisqu’elle intègre des éléments bourgeois. Sa création répond à l’objectif de fédérer les courants nationalistes et de rallier la classe ouvrière à l’indépendance sur fond de collaboration de classe. Lors des élections de 1976, la classe ouvrière se saisit du Parti Québécois pour chasser les libéraux. Mais sitôt arrivé au pouvoir, celui-ci mène une politique d’austérité à l’instar de Mme Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, en répondant à la récession par des coupes budgétaires.

En 1980, après 4 années de gestion austère, le Parti Québécois largement discrédité, tente un plébiscite avec le premier référendum sur l’indépendance. Les travailleurs votent massivement contre, le NON l’emportant à 59.5%.

Une seconde tentative a lieu en 1995. La Souveraineté-Association propose la reconnaissance de tous les traités internationaux (dont la participation à l’OTAN), la conservation du dollar canadien et le maintien d’une zone de libre-échange. Dès sa naissance, le futur pays se trouverait donc asservi aux bourgeoisies impérialistes, américaines et canadiennes. Les travailleurs rejettent à nouveau le référendum.

Le mouvement étudiant de 2012

Au cours de l’automne 2011, le gouvernement de Jean Charest (PLQ) annonce une hausse des frais d’inscription à l’université de 75 % sur cinq ans; cela signifie qu’en 2017, un Québécois devra débourser 3 800 dollars par an (contre environ 2000 aujourd’hui). Selon le gouvernement, l’université québécoise doit rattraper le reste des universités canadiennes fonctionnant sur un modèle anglo-saxon, où une année d’étude coûte en moyenne 6 000 dollars.

A partir de la grève du 17 février 2012, les étudiants s’organisent massivement autour des trois principaux syndicats étudiants qui sont : La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), la fédération CLASSE (Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Les grèves suivantes sont suivies par 150 000 à 300 000 étudiants selon les périodes, c'est-à-dire 30 à 60 % des étudiants. A la mi-mai, 14 cégeps (collèges d'enseignement général et professionnel) sur 48 sont paralysés par la grève, et 11 universités sur 18 sont touchées.

Pour la jeunesse québécoise, « l’université marchandisée » remet en cause un des principaux acquis de la Révolution tranquille : l’accès des francophones pauvres à l’université, avec une politique qui visait, au départ, la gratuité.

Pour autant, la plateforme revendicative de l’intersyndicale est limitée à l’exigence d’un moratoire sur la hausse des frais et la mise en place d'états généraux de l'éducation. 

Le gouvernement fait bloc contre les étudiants et le 18 mai 2012 est promulguée la “loi 78”, signant l’arrêt des cours – et par conséquent de la grève – jusqu’au 17 août, date à laquelle la session universitaire doit reprendre. La loi interdit d’entraver l’accès aux cours et limite le droit de manifester en rendant illégaux les rassemblements de plus de 50 personnes sans en alerter la police au préalable, ainsi que les piquets de grève à l’entrée des facs, passibles d’amende allant de 1 000 à 125 000 dollars. Ce durcissement du mouvement rallie la classe ouvrière et débouche sur une manifestation très massive le 22 mai à Montréal (200 à 250 000 manifestants) pour protester contre cette « loi matraque ». A ce moment-là, le Front syndical étudiant soutenu par les organisations ouvrières auraient dû centrer cette mobilisation contre le gouvernement Charest, pour le vaincre et le chasser du pouvoir.

 

Les élections anticipées

Face au mouvement qui ne désarme pas, et face à la contestation qui se centralise contre le PLQ (au pouvoir depuis 2003), le gouvernement est contraint le 1er aout d’organiser des élections anticipées pour le 4 septembre.

La FEUQ et la FECQ suggèrent de voter pour « les partis qui soutiennent l’accessibilité aux études ». Autrement dit, de voter pour le Parti québécois (PQ), qui propose un gel des frais de scolarité et l’organisation d’états généraux de l’éducation, ou pour Québec solidaire, parti de gauche qui milite pour la gratuité scolaire. De nombreux étudiants pensent plutôt voter « utile » en choisissant un député du Parti québécois, ce grand parti « historique » leur paraissant plus sûr pour défaire le Parti libéral.

Les élections provinciales servent à désigner les 125 députés qui siègent à l’assemblée nationale du Québec. On note tout d’abord un taux de participation massif avec 74,6% (contre 57,4 en 2008) sur 4 362 688 inscrits :

-           Parti québécois 31,95% (1 393 703 voix), 54 sièges

-           les travailleurs se sont saisis du PQ pour infliger une défaite à Jean Charest sans pour autant créer un écart important avec les libéraux. Pauline Marois devient le nouveau premier ministre du Québec.

-           le parti historique de l’indépendance reste également tiraillé sur la question de la souveraineté du Québec puisqu’il essaye de rassembler des électeurs dont c’est le seul impératif, et d’autres, pour qui ce n’est plus le centre des préoccupations

-           Parti Libéral Québécois 31,2% (1 360 968), 50 sièges

L’électorat anglophone d’origine canadienne ou issu de l’immigration représente traditionnellement le socle du Parti libéral, qui subit un recul important par rapport à 2008 puisqu’il obtient 16 sièges de moins qu’en 2008. Ce score s’explique par le rejet de sa politique de liquidation des acquis sociaux mais aussi par de multiples affaires de corruption dans les marchés publics du secteur de la construction. En outre, la mise en place du Plan Nord, un plan de développement économique du Nord du Québec permettant l’exploitation de ses ressources naturelles - notamment gaz de schiste - par des compagnies privées, ne fait l’unanimité parmi la population québécoise.

-           Coalition Avenir Québec (CAQ) 20,05% (1 180 235), 19 sièges

Cette formation très récente (avril 2012) dans laquelle s’est fondue Action Démocratique Québec (droite conservatrice), a été créée sous l’impulsion d’un ancien ministre du PQ, François Legault. Son programme remet la corruption au cœur du débat après les récentes affaires qui ont secoué le gouvernement libéral. En ce sens il récupère la majeure partie de l’électorat qui se détourne du PLQ.

-           Québec Solidaire 6,03% (263 111), 2 sièges

Ce parti défend depuis toujours la gratuité scolaire. Ses couleurs se sont ainsi mélangées aux pancartes des étudiants à chaque grande manifestation au cours des derniers mois. Il a été fondé lors d’un congrès tenu à Montréal les 4 et 5 février 2006. Il est issu de la fusion de deux organisations politiques :

o       Option citoyenne, mouvement politique fondé en 2004 sous l’impulsion de Françoise David.

o       L’Union des forces progressistes (UFP), fondée en 2002 par la fusion du Parti de la démocratie socialiste (PDS: ex-NPD-Québec), du Rassemblement pour l’alternative progressiste (RAP), du Parti communiste du Québec (COM)

De l’aveu de sa présidente actuelle Françoise David, Québec solidaire est un parti politique de gauche qui se consacre «à la promotion et à la défense du bien commun».

 

Quelles perspectives pour la jeunesse et la classe ouvrière québécoises?

 

La courte victoire du Parti Québécois durant ces élections, bien qu’elle ait permis de chasser le gouvernement bourgeois de Jean Charest, ne constitue en aucun cas une victoire pour les travailleurs québécois. Dans ce contexte de crise mondiale du capitalisme, ce nouveau gouvernement ne tardera pas à s’attaquer aux acquis sociaux et à mener une politique d’austérité comme par le passé. Quant à la question de l’indépendance, elle reste stérile dès lors qu’elle ne se place pas en rupture avec l’économie capitaliste et au service de l’intérêt des masses québécoises.

Face à un gouvernement prompt à employer la répression la plus féroce, la jeunesse a montré sa combativité et sa détermination dans ce qui constitue désormais le plus grand mouvement de l’histoire québécoise. Cette force tient aussi de l’expérience acquise aux cours des mobilisations précédentes, que ce soit en 2003 contre la remise en cause des acquis sociaux, ou en 2005 contre les coupes budgétaires dans les programmes d’aides financières aux étudiants.

C’est le manque de perspectives politiques qui pèse désormais; et cela montre, au Québec comme ailleurs dans le monde, la nécessité de s’organiser pour construire des organisations révolutionnaires capables de prendre le pouvoir.

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