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Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Afrique

 Quelques rappels sur l’histoire de l’Afrique précoloniale

 

L’Histoire de l’Afrique précoloniale est peu connue en occident du fait d’une tradition orale et donc de l’absence d’archives : cela a permis aux puissances coloniales de nier l’historicité des États africains précoloniaux [Les peuples africains ne sont pas encore rentrés dans l’histoire, dixit Sarkozy à Dakar en 2007]

Or, l’Afrique sahélienne était composée de puissants États/empires militaires et centralisés au nord du golfe de Guinée jusqu’aux confins du Sahara :

v      empire du GHANA (« roi guerrier ») du IV° au XIII° s. du Sénégal à la Mauritanie actuelle au nord, jusqu’à Tombouctou à l’est : puissance due au commerce transsaharien de l’or, du sel et des esclaves avec les peuples arabo-berbères– civilisation animiste convertie à l’islam

v      empire du Mali du XI° au XIV° s. de l’Atlantique au Niger – développement de grands centres culturels (Tombouctou, Gao…)

v      empire Sanghaï aux XV° et XVI° s., démantelé par le pacha du Maroc pour faire place à de multiples royaumes (Bambaras, Peuls, Toucouleurs, Dogons ; Bambaras et Dogons non islamisés)

Cette structure a permis de résister à la pénétration portugaise (premiers Européens à mettre les pieds en Afrique) aux XV et XVI° s.

Mais ce sont ces États africains qui ont pratiqué la traite des esclaves au sein de ces empires d’abord puis avec les arabo- musulmans (environ 4 millions) et avec les Européens du XVII°s. au XIX°s. (11 à 12 millions d’esclaves déportés en Amérique).

 

La période coloniale

 

Au XIX° s., les conquêtes sont entreprises par les impérialismes européens en rivalité. La conférence de Berlin en 1884/85 fixe les règles du jeu d’une conquête de type « course au clocher » : le plus rapide plante son drapeau. L’Afrique est alors le théâtre des affrontements inter impérialistes : Britanniques à l’Est, du nord au sud du continent, Français à l’ouest (Afrique du Nord, AOF et AEF) pour les plus vastes empires coloniaux.

La colonisation française en Afrique de l’ouest part du Sénégal jusqu’au lac Tchad, dans l’espoir d’atteindre l’océan Indien : les Anglais sifflent l’arrêt de jeu à Fachoda en 1898 et gardent le contrôle de l’est-africain.

En 1863, Louis Faidherbe évoquait le projet de pénétration coloniale en ces termes : "Vous voulez arriver au Soudan par l'Algérie ? Vous n'y réussirez pas. Vous vous perdrez dans les sables du Sahara et vous ne les traverserez pas. Mais si, profitant des voies naturelles qui nous sont offertes, vous vous servez du fleuve Sénégal pour gagner la route du Soudan et les rives du Niger, vous y créerez une colonie française qui comptera parmi les plus belles du monde". En effet, la lutte fut sévère entre les administrations coloniales françaises, chacune défendant son pré-carré. Celle d’Alger voulait contrôler la route du sel en annexant le Sahara jusqu’au Niger, et en particulier le massif des Ifoghas (Touaregs), pour y construire un chemin de fer transsaharien Alger/Gao. Celle du Soudan privilégiait le port de Dakar et voulait contrôler l’approvisionnement en sel en provenance du nord-Mali : cette solution l’emporta - non sans luttes sanglantes entre militaires français -, ce qui explique le maintient de Tombouctou et des Ifoghas au sein de l’actuel Mali dont les frontières ont été tracées par le colonisateur au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et malgré la vive résistance de ces peuples de tradition guerrière à la colonisation.

Le territoire malien, dénommé Haut-Sénégal-Niger devint, en 1895, une colonie française intégrée à l'Afrique-Occidentale française avec une portion de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Niger. Bamako devint son chef-lieu  en 1907. En 1920, elle est appelée Soudan français.

Les colons développèrent les cultures irriguées dont les productions étaient exportées vers la métropole (riz – arachide – coton). L'essentiel des investissements était concentré sur l'Office du Niger, dont les coûts d'investissement sur la période 1928-1939 s'élevèrent à 4 milliards de francs.

 

L’indépendance

 

En 1945, le ministère des colonies devient celui de la France d’Outre mer et l’Empire devient l’Union française…mais De Gaulle – pas plus que le PCF avec qui il restaure l’Etat bourgeois , ni plus tard la SFIO – ne veulent remettre en cause le statut colonial, la notion d’indépendance étant interdite et la répression féroce. Il suffit de rappeler les massacres de Sétif en mai 1945, de Madagascar en 1947 ou les guerres d’Indochine et d’Algérie.

La constitution française adoptée en 1946 définit l’Union française « formée, d'une part, de la République française qui comprend la France métropolitaine, les départements et territoires d'outre-mer, d'autre part, des territoires et États associés », c’est-à-dire les colonies.

Le droit des peuples est bafoué sur l’hôtel de la « guerre froide » : l’impérialisme français défend son pré carré face à la bureaucratie stalinienne mais aussi contre l’impérialisme US. Il utilise les troupes noires envoyées combattre en Europe comme auxiliaires de répression sur place, troupes et cadres qui constitueront l’armée et la police des nouveaux États indépendants, organes répressifs qui n’ont jamais vraiment coupé les liens avec l’ancienne métropole.

Le référendum du 28 septembre 1958 sur la Constitution de la République française voulue par De Gaulle contribue à la désunion, partageant les Africains en trois camps: les indépendantistes, les fédéralistes et les anti-fédéralistes. Le 31 mars 1959, le Soudan français accède au statut d’autonomie interne.

Le 4 avril 1959, la Fédération du Mali est officialisée par la signature des accords de transfert de compétence et de coopération avec la France. La première assemblée fédérale est composée de 20 membres élus par pays, Sénégal et Soudan français. Elle se réunit la première fois le 4 avril 1959 à Dakar, capitale de la Fédération du Mali. Léopold Sédar Senghor est élu président de l’assemblée et le malien Modibo Keïta devient chef du gouvernement fédéral. L’Assemblée fédérale vote l’adhésion de la Fédération du Mali à la communauté et Modibo Keïta est désigné président du gouvernement de la Fédération du Mali. Le lendemain, le gouvernement fédéral est constitué, à parité de Soudanais et de Sénégalais.

Les négociations entre la France et la Fédération du Mali entre janvier et avril 1960 aboutissent à des accords qui remettent aux deux territoires fédérés toutes les compétences détenues par la Communauté. Mais le président de la République française reste de droit le président de la communauté. La France participe à la formation des armées fédérales et possède des bases militaires sur leur territoire. Ces accords sont ratifiés par l’Assemblée nationale française le 9 juin 1960 puis par le Sénat le 13 juin. Ils sont ensuite ratifiés par les Assemblées du Sénégal et du Soudan qui votent le 14 juin le transfert de leur compétence à la Fédération du Mali dans plusieurs domaines : politique étrangère, défense, monnaie, politique financière et économique commune, contrôle de la justice et de l'enseignement supérieur, organisation générale des transports communs et des télécommunications. L’indépendance est proclamée le 20 juin 1960.

Les divergences entre Soudanais et Sénégalais sont nombreuses. Les Soudanais souhaitent rapidement la fusion entre les deux nations pour n’en former qu’une seule. Ils souhaitent aussi éviter que Léopold Sédar Senghor ne devienne président, fonction que doit occuper selon eux Modibo Keïta.

Mais en août 1960, Modibo Keïta critique les essais nucléaires français dans le Sahara, ce qui irrite De Gaulle et son premier ministre Michel Debré.

Les relations avec la France sont tendues. Le président Modibo Keïta annonce que le Mali fait partie des pays non alignés. Suite à un accord entre Paris et Bamako, les troupes françaises stationnées à Gao, Tombouctou, Nioro, Ségou et Kayes doivent être regroupées sur la base de Kati avant le 1er octobre.

En janvier 1961, Modibo Keïta, soutenant les Algériens dans leur guerre d'indépendance, réclame le départ immédiat de toutes les troupes françaises stationnées au Mali, soit 2200 hommes. L'évacuation est terminée en septembre. Le nouvel Etat indépendant se rapproche de l’URSS, prétend instaurer une économie « socialiste » et se proclame laïque.

La Françafrique

 

Le néologisme Françafrique provient du livre La Françafrique, le plus long scandale de la République de François-Xavier Verschave  publié en 1998. Verschave et l’association Survie qu’il préside, utilisent l’expression d'Houphouët-Boigny pour désigner et dénoncer le caractère occulte des relations franco-africaines. Dans cet ouvrage, Verschave décrit ce système caractérisé par des pratiques de soutien aux dictatures, de coups d'États et d'assassinats politiques mais aussi de détournements de fonds et de financement illégal de partis politiques (d'où l'homophonie plusieurs fois soulignée par Verschave : France-Afrique, France-à-fric).

D’ailleurs, la défense des intérêts français en Afrique, et notamment dans son fameux « pré-carré », est considérée par tous les présidents successifs de la V° République comme un impératif absolu. En effet, la Françafrique a persisté sous François Mitterrand et s’est maintenue, sous différentes formes et malgré quelques évolutions, jusqu'à la présidence de Nicolas Sarkozy et de François Hollande aujourd’hui.

À l’origine, les raisons de la mise en place de ce système sont de trois ordres :

v      Économiques : garantir l’accès aux matières premières stratégiques du continent (pétrole, uranium etc.) et essayer d'offrir des débouchés privilégiés aux multinationales françaises (Total, Areva, Bouygues, Bolloré,…).

v      Diplomatiques et stratégiques : maintenir le fragile statut de puissance mondiale acquis par la France après la guerre à travers une cohorte de pays alliés, notamment pour les votes au sein des institutions internationales, mais aussi pour contenir l’expansion « communiste » sur le continent africain ou "résister" à l'influence américaine grandissante, et maintenir des bases militaires garantissant les capacités de projection internationale de l’armée française.

v      Politiques : organiser le financement occulte de partis politiques français par le détournement des rentes des matières premières.

 

Pourquoi l’intervention aujourd’hui ?

 

Le Mali est un vaste territoire (1 200 000 km2 = plus de deux fois la France) dont les 2/3 sont saharien/sahélien et le 1/3 sud tropical humide le long du fleuve Niger qui en est l’artère et le poumon économique. Il compte près de 15 millions d’habitants dont 75% sont analphabètes, et  6 000 ressortissants français.

Il est certes enclavé mais en position de plaque tournante du commerce transsaharien et carrefour stratégique : il a des frontières communes avec Algérie, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal et Mauritanie.

Il est donc au cœur des intérêts économiques français : mines d’uranium du Niger – pétrole et gaz d’Algérie – pétrole mauritanien – et des réserves pétrolières sur la frontière algéro-malienne… L’effondrement de l’État malien met en danger tout l’équilibre précaire de la région.

Car il s’agit bien d’un effondrement. Rappelons que le général-président Moussa Traoré – arrivé au pouvoir par un coup d’État (sans doute avec le soutien de la France) en 1968 contre le régime « socialiste » mis en place par Modibo Keïta - instaura une dictature politique pour mettre en œuvre le libéralisme économique à travers les Programmes d’ajustements structurels (PAS) imposés par La Banque mondiale et le FMI. Le résultat en fut une crise économique majeure, le démantèlement de « l’État providence » sous prétexte de désendettement.

Cette politique libérale donna aux ONG financées par l’extérieur selon le prétendu « droit d’ingérence », un rôle majeur dans la santé, l’éducation, etc…et permit l’implantation durable des organismes religieux, notamment wahhabites sous influence de l’Arabie Saoudite. C’est ce courant qui obtint en 2008 le retrait du nouveau Code de la Famille favorisant l’égalité hommes/femmes et déjà adopté par l’assemblée nationale. Fut également créé un « ministère des affaires religieuses et du culte » favorable à une république islamique. Mais des dissensions existent entre partis musulmans (islam africain contre islam arabe).

L’essor des associations caritatives au détriment de l’Etat, a renforcé les trois plaies de ce pays pauvre : prévarication, corruption et clientélisme entretenu par différents chefs charismatiques. C’est ce qui explique le taux d’abstention record aux élections auxquelles ne participent que 20 à 40 % des électeurs et une instabilité politique chronique : une révolution populaire chasse Moussa Traoré du pouvoir en 1991 et instaure une « démocratie » (multipartisme, liberté de la presse..) dans le cadre d’une économie ultra libérale. Depuis 2002, la présidence d’Amadou Toumani Touré (ATT) est marquée par de multiples scandales politico-financiers dont les auteurs sont toujours blanchis. Il a été chassé du pouvoir le 22 mars 2012 par un coup d’Etat de sous-officiers lassés  de ne plus recevoir de soldes. Le nouveau président par intérim – Dioncounda Traoré – est un des fondateurs de l’Alliance pour la Démocratie du Mali (ADEMA) qui a été à l’origine de la révolution de 1991, parti dominant depuis lors mais affaibli par de multiples scissions. Mais l’armée comme l’État  est gangrenée par le détournement des aides internationales et le trafic de drogue.

C’est dans ce contexte que les mouvements Touaregs luttent depuis plus de vingt ans pour l’autonomie voir l’indépendance. Parmi eux, le groupe salafiste Ansar ed-Dine dirigé par Iyad Ag Ghali combat dès les années 1990 le pouvoir de Bamako dont les Touaregs sont exclus, dans une situation de crise économique et sociale dont ils sont les premières victimes. Le Mouvement National de la Libération de l’Azawad (MNLA) se prononce pour l’indépendance. Cette revendication nationale développée dans les zones tribales s’appuie sur l’islam comme facteur d’unification des tribus.

Mais ces mouvements sont à différencier des petits groupes djihadistes internationaux (AQMI qui compteraient 700 hommes – MUJAO) sans ancrage dans la société malienne et qui n’expriment pas de revendications sociales et politiques locales : ce sont ces groupes djihadistes qui ont attaqué le site gazier algérien et pris en otage des expatriés dans le but de faire le maximum de fric. Il y a eu cependant en 2012 une alliance contingente avec des groupes nationalistes locaux qui a parasité un conflit local.

Il faut en effet rappeler que de jeunes Touaregs avaient été enrôlés dans la « légion saharienne » de Kadhafi pour intervenir notamment au Tchad contre le régime d’Idriss Déby soutenu par la France. La chute de Kadhafi a précipité le retour de ces Touaregs armés : le vide laissé par la décomposition de l’Etat malien et de son armée (environ 15 000 hommes dont 1/10 seulement est opérationnel c’est à dire armé et encadré) a créé un appel d’air pour les groupes Touaregs armés qui ont tenté – début janvier 2013 - d’avancer jusqu’à Bamako sans rencontrer de résistance.

Officiellement appelée par le président malien par intérim, la France a engagé plusieurs milliers d’hommes à partir du 11 janvier. Dans quels buts ? Rétablir l’intégrité du territoire malien ? Il faudrait d’abord pour cela qu’il y ait un Etat malien. Et clairement la France intervient contre les groupes Touaregs au profit d’une faction noire du Sud.

S’il s’agit d’une « guerre juste » nécessaire pour « éradiquer le terrorisme » – comme la claironne Hollande – pourquoi les mêmes ont-ils soutenu et soutiennent-ils des mouvements islamistes radicaux en Libye, en Syrie et ailleurs ? Pourquoi la France s’engage-t-elle seule dans ce conflit si la menace pèse sur toute l’Europe ? Le discours qui nous est servi sur « la défense de la démocratie et des droits de l’homme » est en totale contradiction avec les problèmes sociaux et nationaux du Mali puisque parmi les ennemis déclarés, il y a les groupes Touaregs qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits nationaux.

En fait, c’est de la part du gouvernement Hollande/Ayrault une opération « d’union nationale » puisque l’intervention française a été saluée par l’UMP et nombre d’intellectuels. Mais c’est surtout du côté de la défense des intérêts de l’impérialisme français en crise qu’il faut chercher les raisons de cette intervention militaire dont l’armée de terre – écartée en Libye - est le fer de lance. Le désert est sa « spécialité » historique et sa méfiance pour « les printemps arabes », son fond de commerce. Et elle se retrouve sans emploi après le retrait d’Afghanistan. Pour justifier son rôle et ses crédits, une opération extérieure est la bienvenue…

 

En aucun cas, on ne peut considérer que l’intervention militaire française est au service des droits des peuples ! Le rôle des organisations ouvrières est de combattre pour exiger le retrait immédiat des troupes impérialistes.

 

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