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Pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire

Publié le par Groupe Révoltes
Publié dans : #Afrique, #lutte des classes

Rappel historique

 

Ancienne colonie hollandaise (XVII° et XVIII° siècles) puis britannique depuis 1806, devenue dominion en 1948 – membre du Commonwealth -, la République d’Afrique du Sud a rompu avec le Royaume Uni en 1961 : lors du mouvement mondial de décolonisation, cette rupture a permis à la minorité blanche de conserver le pouvoir.

Cette minorité blanche, issue de la colonisation européenne, a instauré en 1948 un régime d’apartheid, c'est-à-dire de ségrégation socio-spatiale dans lequel la majorité africaine noire et métisse (soit près de 90 % de la population) ne possédait que 13 % des terres, 87 % étant confisqués par les anciens colons organisés dans le Parti National qui gouvernait seul le pays. L’ANC (Congrès National Africain) fondé en 1912, appartient à l’Internationale Socialiste ; il a été interdit de 1960 à 1990.

Ce régime d’apartheid a été aboli en juin 1991 sous l’effet conjoint des luttes menées par la population noire organisée dans l’ANC et de l’impossibilité pour la bourgeoisie blanche de maintenir sa domination politique et économique sans risquer d’être totalement évincée.

Les premières élections multiraciales ont eu lieu en 1994 et Nelson Mandela fut élu 1° président de la République. L’ANC remporte régulièrement 60 à 70 % des voix mais est en perte de vitesse, notamment depuis 2008 avec la scission du « Congrès du Peuple ». Jacob Zuma est l’actuel président élu en 2009 avec 66 % des suffrages. Le prochain congrès de l’ANC se tiendra en décembre 2012.

 

Le contexte actuel

Aujourd’hui le pays compte environ 50 millions d’habitants (2011) et c’est la première puissance économique d’Afrique, grâce notamment à ses richesses minières. Mais aucun des problèmes auxquels est confrontée la population laborieuse n’est réglé par ce régime démocratique bourgeois dirigé par l’ANC et la bourgeoisie noire au profit d’une minorité de  possédants (il resterait notamment 40 OOO fermiers Afrikaners possédant 90% des terres cultivables !).

Une coalition tripartite ou « Triple Alliance » s’est constituée en 1985 entre l’ANC, la COSATU (Confédération des Syndicats d’Afrique du Sud) et la SACP (parti communiste) : elle exerce le pouvoir depuis 1994. Le Front de la Liberté, droite afrikaner, s’y est même associé.

La politique de ce gouvernement de type « front populaire » se caractérise par un soutien affiché au patronat contre les intérêts ouvriers : réforme agraire balbutiante [5% des terres redistribuées ?], nationalisation des mines promise mais jamais réalisée. Depuis 1991, une Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA dite aussi « processus de transition démocratique ») a été signée entre l’ANC et les anciens dirigeants du régime d’apartheid (le Parti National de De Klerk), pour sauvegarder leurs intérêts et maintenir la paix sociale : l’accord s’est concrétisé par une clause de lock out contre les mouvements de grève (recours à des jaunes), contre les grèves sur le tas et le droit de manifestation.

C’est ce dispositif répressif qui a volé en éclat cette année avec les grèves décidées par les mineurs, en opposition avec l’orientation de collaboration de classe de la COSATU.

En effet, la population ouvrière est confrontée à trois problèmes :

u La misère : bas salaires – chômage (25 à 50% dans certaines zones) – bidonvilles – ségrégation…

v Le soutien apporté par la COSATU au gouvernement et au patronat. L’absence d’indépendance syndicale vis-à-vis du gouvernement se double de corruption, prévarication et népotisme : les grands trusts distribuent des actions aux chefs de l’ANC et de la centrale syndicale majoritaire, qui deviennent administrateurs. C’est le cas de l’ex-secrétaire général du NUM (syndicat des mineurs affilié à la CASATU qui a fourni nombre de cadres à l’ANC) et ancien bras droit de Mandela.

w Les mesures anti-ouvrières, telles l’accord de lock out contre le droit de grève et de manifestation.

Les événements de cet été sont le résultat de ces 3 facteurs :

è Revendication immédiate d’une augmentation de 300 % des salaires pour les mineurs de LONMINE (compagnie minière anglaise qui emploie en Afrique du Sud 28 000 salariés) exploitant le platine de Marikana [l’Afrique du Sud en est le 1° producteur avec 80% des réserves mondiales, platine qui se négocie  à 45 000 € le kilo sur le marché mondial] – soit de 400 €/mois en moyenne à 1250 €.

è Combat contre l’accord de lock out

è Combat pour l’indépendance syndicale : création et développement de l’AMCU (Association of Minesworkers & Construction Union, créée en 1998 et reconnue en 2001, elle compterait 50 000 membres – se dit apolitique et non communiste) dans les mines du nord, produit d’une scission du NUM, et dirigée par MATHUNJUA, organisatrice de la grève à laquelle participeraient 90 % des mineurs.

Or, le NUM a signé un accord avec la direction conditionnant les négociations salariales à la reprise du travail, alors que les grévistes et l’ACMU veulent l’inverse.

Le massacre du 16 août a eu lieu dans ce contexte : des grèves dites « sauvages », c'est-à-dire illégales selon les règles de la CODESA, ont été organisées tout l’été, opposant les dirigeants du syndicat majoritaire et les militants de l’ACMU, grévistes et forces de l’ordre au service de LONMINE : 2 policiers tués dans ces affrontements ont justifié l’attaque frontale par la police d’un rassemblement de 3 000 grévistes armés de pioches et pics par un hélicoptère de combat et des tirs à balles réelles dont la plupart ont été tirées dans le dos : au minimum 44 morts au total et des centaines de blessés.

Le 30 août, 270 mineurs grévistes ont été inculpés de meurtre, inculpation levée depuis, devant la forte mobilisation des mineurs et d’autres catégories de travailleurs, comme les enseignants. A ce mouvement a pris part Julius MALEMA, dirigeants de l’ANCYL (les jeunes de l’ANC) depuis 2008 jusqu’à son exclusion en 2012. Il a été le seul responsable politique à avoir pu intervenir devant les grévistes. Il condamne les « blancs qui ont volé les terres », remet en cause la politique de Jacob ZUMA, exige l’expropriation sans indemnités des fermiers blancs et des mines.

Les grèves se poursuivent et s’étendent à d’autres mines de platine, d’or et même de charbon – malgré la répression organisée par le police du gouvernement - car l’accord signé en septembre par les négociateurs corrompus (sous l’égide d’un médiateur religieux !), ne concède que 11 à 22 % d’augmentation des salaires, bien loin des revendications des mineurs.

On est très loin d’une « grande victoire » et de « l’unité syndicale préservée » comme titre l’Humanité du 20 septembre 2012, qui confirme l’entier soutien du PCF à Jacob ZUMA, président de l’ANC et de la République d’Afrique du Sud, comme il l’avait déjà fait en août au moment où ZUMA a fait tirer sur la foule des mineurs en grève.

C’est donc un combat de classe très dur que mènent les mineurs sud-africains contre le front commun constitué par le gouvernement de front populaire, le syndicat majoritaire et les sociétés impérialistes qui les exploitent.

Comment pourraient-ils aujourd’hui arracher la satisfaction de leurs revendications ? Cela nécessite d’abord la rupture de la collaboration des organisations d’origine ouvrière - la COSATU et le SACP – avec la bourgeoisie noire et blanche, avec les trusts impérialistes et l’ANC.

Mais cette rupture, pour constituer un gouvernement ouvrier seul capable de satisfaire les revendications des travailleurs, nécessite la construction d’un véritable parti ouvrier qui combatte pour l’expropriation des mines et des terres et une gestion socialisée et planifiée des immenses ressources de l’Afrique du Sud.

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